Une question plus marginale mais dont on entend beaucoup parler en ce moment : qu’en est-il des théories diagnostiques et des applications thérapeutiques du "décodage biologique" et de la "biologie totale" ?

Ce créneau, très "tendance", séduit beaucoup de patients par le côté "magique" du diagnostic. Les grands chefs de file français de ce courant sont le Dr Salomon Sellam et le Dr Claude Sabbah.

En résumé, chaque organe touché par une maladie porte en lui une "signature", symboliquement reliée à une émotion particulière. Quelques exemples simples : le foie renvoie à une colère rentrée ; la gorge à quelque chose de déplaisant qui nous est resté "en travers" (de la gorge) ; les reins à une atteinte de notre "territoire vital" ; la peau à une notion de "souillure" émotionnelle, etc. De très nombreux ouvrages existent, n’hésitez pas à les consulter pour affiner cette courte synthèse.

Face à cette approche diagnostique, deux mondes s’affrontent, qui sont bel et bien parallèles ! D’un côté, la faculté crie au charlatanisme et à l’abus de confiance. De l’autre, ces thérapeutes (médecins ou non) crient au sabotage, à l’obscurantisme et à la mauvaise foi gratuite. Je crois bizarrement que les deux parties peuvent avoir partiellement raison ; mais chacun dans son monde !

J’ai beaucoup hésité avant de donner mon avis sur ces concepts particuliers. Mais après plusieurs années, deux choses m’ont vraiment convaincu de le faire : d’abord, la montée en puissance de la présence de ces approches diagnostiques dans le milieu des maladies graves ; ensuite, la relecture de certains ouvrages de C.G. Jung (l’un des précurseurs majeurs de la pensée symbolique moderne). C’est pourquoi, je vous livre in extenso ce passage clé, assorti du commentaire de Jung lui-même qui, sans le savoir, donne une vraie réponse au débat qui anime le monde médical à propos de ce "décodage biologique".

Jung ne connaissait évidemment pas et n’appliquait donc pas directement cette "technique" de décodage psychosomatique mais il maniait la symbolique avec la dextérité géniale d’un thérapeute hors norme. À titre d’exemple, en 1933, Jung dut interpréter le rêve suivant, à la demande d’un patient et de son médecin traitant :

"Près de moi, quelqu’un posait des questions sur la façon de lubrifier une certaine machine. Quelqu’un d’autre suggéra que le lait serait le meilleur lubrifiant. Apparemment, je pensais qu’il valait mieux utiliser de la boue liquide. Puis, un étang fut vidé et dans la vase se trouvaient deux animaux de races disparues. L’un était un minuscule mastodonte, l’autre, je ne m’en souviens plus."

Jung diagnostiqua alors d’une façon incroyablement précise (et magique pour le profane, autant que pour le médecin) une "rétention de liquide cérébro-spinal". Il fonda son interprétation sur le fait que l’un des liquides "boueux" du corps s’appelle en latin pituita et que le mot mastodonte dérive de deux mots grecs signifiant "mamelle" et "dent". Il en déduisit que l’image du mastodonte correspondait aux corps mamillaires, structures en forme de seins situées au fond du troisième ventricule, "étang" de liquide cérébro-spinal à la base du cerveau.

S’il ne s’agissait pas des propres mots de l’un des médecins psychanalystes les plus réputés mondialement, cela prêterait au mieux à sourire si l’on est profane, au pire à crier à l’imposture si l’on est thérapeute.

Pressé de s’expliquer par ses confrères de l’époque et questionné sur la façon dont il en était arrivé à cette conclusion, Jung répondit simplement :

"Pourquoi il me paraît évident que ce rêve révèle un symptôme organique ? Si je vous l’expliquais, vous m’accuseriez du plus terrible des obscurantismes... Quand je parle d’archétypes, ceux d’entre vous qui sont au courant me comprennent, mais ceux qui ne le sont pas, pensent : “Ce type est complètement fou, il parle de mastodontes et de leurs différences avec les serpents et les chevaux.” Il faudrait que je vous donne un cours de quatre semestres sur la symbolique avant que vous puissiez apprécier ce que j’ai dit."

Et Jung donne ici la plus belle et la plus claire des réponses en ce qui concerne toutes les nouvelles techniques de diagnostic et de guérison, tout ce que la science officielle considère comme borderline, tout ce qui constitue le "parallèle" thérapeutique.

On ne peut communiquer, enseigner, être socialement et scientifiquement crédible que sur les mêmes référents de vie, intellectuels et culturels. Les médecins qui remontent aux sources des ethnomédecines les respectent, les comprennent et les appliquent bien mieux que s’ils les avaient "apprises dans des livres". Car, "à la source", l’énergie humaine, la tradition et la symbolique se mélangent harmonieusement.

Jung "semblait" donc diagnostiquer de façon "miraculeuse" des pathologies complexes à partir de l’interprétation symbolique des rêves. Sa démarche était pourtant totalement scientifique, éthique et honnête sur la base de son propre savoir, de sa propre culture (immense !) et de sa propre sensibilité (unique). Cependant, sa "technique" de diagnostic demeure difficilement enseignable dans les universités. Car nos référents culturels standard sont insuffisants. Il faudrait que les médecins intéressés acceptent de développer bien plus leur "être" (l’émotion) que leur "avoir" (le savoir mental).

Sommes-nous prêts pour cela ? Oui, je crois sincèrement que la génération scientifique et médicale actuelle est ouverte à (voire en attente de) ces nouvelles impulsions humaines. Mais il ne faut pas oublier que Jung, s’il était curieux, très cultivé et parfois génial, était aussi respectueux de la médecine biologique de son époque et enfin, prudent, modéré et patient.

Si les thérapeutes convaincus par le décodage biologique peuvent, sur le modèle de Jung, réunir en eux ces "quelques" qualités, alors un avenir existe certainement pour affiner leur motivante intuition.

Encore un mot : diagnostiquer n’est pas soigner, et encore moins guérir ! Ce diagnostic psychosomatique (biosymbolique) posé et "l’émotion perverse et morbide" débusquée puis identifiée, il est impératif (sous peine de voir l’état du patient s’aggraver) de lui fournir des outils thérapeutiques (adaptés) de guérison. Une collaboration pluridisciplinaire s’impose alors : soutien psychologique, psychanalyse, hypnose, sophrologie, training autogène (Delta-médecine !) semblent indispensables et indissociables d’une démarche biologique vraiment "totale".

En conclusion, cette approche diagnostique reste encore très marginale, elle est donc à manier avec beaucoup de précaution. Sa "pertinence" semble très dépendante de la compétence, de la maturité (mentale et morale), ainsi que des diplômes du thérapeute (dans le sens de la sécurité et de la connaissance médicale associées). Cela signifie aussi pour vous la possibilité de croiser de nombreux incompétents ou charlatans se recommandant de cette "mouvance idéologique" à la mode. Ils peuvent, malheureusement, présenter de façon attractive et théâtrale la "forme" de cette technique, sans en maîtriser l’essentiel : le "fond". Une fois encore, la même mise en garde s’impose : choisissez un médecin ou un psychologue ayant, au-delà des compétences que requiert leur discipline, une compétence supplémentaire indispensable : l’éthique, associée à la capacité de percevoir leurs limites. Et, une fois encore, refusez toute modification "sauvage" de votre protocole médicamenteux en cours, sans une collaboration directe et étayée avec votre équipe soignante.