L’influence des émotions sur le corps
On peut donc observer quotidiennement l’"empreinte" de nos émotions sur le corps. Mais il faudrait certainement des milliers de pages pour expliquer tous les processus qui sous-tendent ces relations entre psychosomatiques si complexes. Celles-ci empruntent des chemins cérébraux, puis neuro-hormonaux, neurovasculaires... Une émotion peut provoquer une accélération cardiaque et circulatoire, elle peut avoir une expression sexuelle (surtout chez l’homme). Si elle touche à la peur, elle peut provoquer des spasmes, des nausées... Une peur intense peut modifier la répartition du sang dans l’organisme, l’affectant en priorité aux organes permettant de réagir face au danger (le cerveau, les muscles...). C’est ce qui explique que, selon les cas, une émotion peut nous faire pâlir (vasoconstriction), ou au contraire rougir (vasodilatation). La palette presque infinie de nos nuances émotionnelles peut influencer tous nos systèmes biologiques, tous nos organes, toutes les fonctions de notre corps.
De nombreuses équipes médicales se sont penchées sur ces problèmes. Un groupe de médecins a même étudié l’impact des émotions sur certaines souches bactériennes peuplant notre flore intestinale. Ils ont découvert que les émotions violentes et répétées (angoisses, colères, haines, rancune, sentiment de culpabilité...) transforment progressivement la composition de la flore intestinale, comme si une sélection s’opérait, privilégiant des souches différentes (et plus ou moins pathogènes) selon que l’on traverse une période de sérénité ou de tension.
Déjà dans le passé, avant la découverte des antibiotiques, certains bactériologistes avaient d’ailleurs eu l’idée d’améliorer l’état moral de leurs patients par des "autovaccins intestinaux" (1). Pendant la première moitié du XXe siècle, cette technique a même été intégrée avec succès aux pratiques hospitalières. Mais elle a été balayée par l’arrivée des antibiotiques, qui apportaient une réponse plus puissante au terrible problème des pandémies (2) d’origine bactérienne qui décimaient, par vagues, les populations mondiales depuis plusieurs siècles (3).
À la même époque, dans les sanatoriums où l’on soignait les malades atteints de tuberculose (une maladie hautement contagieuse), les médecins s’étaient aperçus que parmi le personnel soignant, les plus résistants étaient ceux qui avaient l’hygiène de vie la plus saine au niveau nutritionnel, et surtout émotionnel. C’était notamment le cas des religieuses, qui menaient une vie frugale sur le plan alimentaire et équilibrée sur le plan émotionnel: elles subissaient peu de stress externes, n’avaient pas d’argent à gagner, de place sociale à conquérir, de couple à construire, d’enfants à élever... Sans parler de leur relation privilégiée avec "l’amour divin", qui contribuait à leur harmonie intérieure. Et nombre de ces religieuses avaient un niveau de résistance aux infections microbiennes incroyablement élevé ! Certaines ont soigné deux générations de malades, soit presque cinquante années de contact avec le bacille, sans contracter elles-mêmes la maladie ; alors qu’il suffisait parfois de quelques jours au contact d’un tuberculeux pour tomber gravement malade à son tour.
La piste de la dimension émotionnelle de la maladie n’est pourtant pas nouvelle. On en trouve trace dans toutes les grandes médecines traditionnelles: Hippocrate en faisait déjà longuement état dans sa Materiae medica ; dans les traités de médecine égyptienne, amérindienne, chinoise et indienne, on associe souvent les émotions avec certaines formes de souffrance organique. La médecine traditionnelle chinoise, par exemple, associe la colère à l’énergie du foie, et la tristesse à celle de la rate. Le langage intuitif se fait parfois l’écho de ces correspondances: "se faire de la bile", "se ronger les sangs", une émotion mal "digérée", en avoir "plein le dos", se faire du "mauvais sang" ; ou emprunté à l’anglais: la rate se dit spleen, terme qui désigne aussi un état de tristesse chronique: le spleen !
Les pressions émotionnelles occupant une place de plus en plus importante dans nos sociétés modernes, les recherches concernant leur impact sur la santé sont de plus en plus nombreuses en milieu universitaire. Un nouvel axe de recherche très prometteur a même vu le jour depuis les années 1980: la ψcho-N-I. Comme son nom l’indique, cette discipline s’intéresse de très près aux relations qui se nouent entre nos émotions, notre système nerveux et notre système immunitaire (et par rebond, le système hormonal). Des chefs de service de cancérologie s’y intéressent de plus en plus, au point d’avoir la volonté de l’intégrer dans leurs cadres de recherche et aujourd’hui dans leur pratique hospitalière.
(1) Ce sont des dilutions de souches bactériennes trouvées dans le tube digestif des patients, et que celui-ci absorbe par voie "perlinguale".
(2) Une pandémie est une épidémie de masse, la contagion rapide de toute une population.
(3) Là encore, un peu de lucidité scientifique nous rappelle que plus de la moitié des grandes pandémies ont été, en réalité, éradiquées par un "médicament miracle": l’hygiène !
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